L'Histoire du haras de Pompadour

 

 

 

 es premières traces écrites d'un élevage raisonné à Pompadour remontent au 8 mars 1689 : François Marie de Hautefort, marquis de Pompadour par son mariage avec Marie Françoise de Pompadour, explique en détails dans une lettre à son agent d'affaires en Limousin, la marche à suivre pour gérer au mieux son élevage. Le marquis a besoin de bons chevaux pour son régiment stationné en Allemagne. Les meilleurs chevaux viennent des élevages monastiques, nombreux en Limousin (Uzerche, Vigeois, Dalon, Grandmont.) Il les place ensuite chez des fermiers de confiance (prémices des futurs garde-étalons) pour obtenir une bonne production. François Marie de Hautefort a acheté en 1718, un mas et une ferme à Puy Marmont, paroisse d'Arnac : ce sera le site actuel du Haras de Pompadour. Le nom "haras" est justifié puisqu'un élevage de juments poulinières se trouve à La Rivière. Sans la jumenterie, il faudrait parler d'un "dépôt d'étalons".

  

 

Puy Marmont, dépot d'étalons. Le pavillon d'honneur vu de la grande allée


           Le nom de "Pompadour" est éteint depuis 1736.
Madame Lenormand d'Etioles obtient du roi le titre et les terres du Marquisat de Pompadour en 1745. Pour ne pas être en reste avec les propriétaires terriens du Limousin présents à la Cour (NEXON, TURENNE, VENTADOUR, AYEN, TOURDONNET,) elle fait parvenir une dizaine de juments à Pompadour. Voyer d'Argenson, en charge des haras, rajoute un étalon issu des écuries du Maréchal de Saxe. Ces éléments, au demeurant médiocres, ne feront pas souche.

C'est par un arrêté du 28 janvier 1764 que Louis XV, à nouveau propriétaire des terres du Marquisat, fonde le Haras royal de Pompadour, avec son grand écuyer le prince de Lambesc.

     Le Haras royal de Pompadour sera dirigé par M. de Tourdonnet jusqu'en 1787.

            L'intendance de ce nouvel établissement sera confié à Bertrand Lamoureux de Chaumont fils. Son père était le régisseur de la Marquise de Pompadour. M. de Chaumont défend ses prérogatives face à Turgot. Le nouvel intendant du Limousin ne s'immiscera pas dans la gestion du haras royal. La première tâche de M. de Chaumont est de rendre le château habitable. Depuis un demi-siècle aucune réparation n'a été faite. Seuls un notaire et un abbé habitent le château. Grâce à l'appui de la Comtesse de Brienne, mère du prince de Lambesc, gérante des haras royaux pendant la minorité de son fils, M. de Chaumont achète la ferme de Chignac et tous les prés de la prieurale d'Arnac.

            Pour irriguer les prés de La Rivière, il fait creuser un canal à partir de l'étang des Monts (aujourd'hui dit "canal de moines ou de la Villatte".) Forts de ces aménagements, la Comtesse de Brienne et M. de Tourdonnet  délèguent à Pompadour les meilleurs étalons royaux. Les écuries sont dirigées par le piqueur du Quesnoy.

            De 1764 à 1782, de nouveaux étalons sont envoyés à Pompadour. Les premiers croisements avec la jumenterie limousine sont tentés sans grands succès, faute de méthodes rationnelles. En 1779, une mission ramène d'Orient 8 chevaux syriens. Arnaud Beaune de la Fragne, une famille de Lubersac, succède à M. de Chaumont à la tête du haras.

            En 1791, son fils sera le 3ème  directeur du haras royal de Pompadour. On lui doit les écuries sous le château à la place de l'Orangerie, la rampe d'accès aux terrasses du château et l'écurie dite "de l'Horloge" à  la Jumenterie.

            En 1791, les "Fragne" choisissent l'émigration.

            A la Révolution, les chevaux de Pompadour assurent la totalité de la remonte de la cavalerie légère. En 1912, le général Dubois qualifiait la race anglo-arabe de "première au monde pour la cavalerie légère."

Le château de Pompadour, vue générale face sud

L'écurie dite "de l'entraînement" à l'emplacement de l'ancienne orangerie


          1790 sonne le glas du Haras royal de Pompadour. La Convention supprime les haras royaux (à la requête du vicomte de Noailles s'abritant derrière les cahiers de doléances) en raison de leur "régime prohibitif". Etalons et poulinières sont dispersés. Mais rapidement la cavalerie française est exsangue et le 2 mars 1795, le dépôt d'étalons de Pompadour est recréé et sera dirigé par un piqueur de Versailles : Pierre Malaval. Les terres de Pompadour, un instant acquises par le général Souham (natif de Lubersac,) retrouvent grâce à Napoléon 1er leur vocation première.

           En 1804, le chevalier Lepiot de Seltot, prend la direction de l'établissement. Napoléon 1er amène ses meilleurs chevaux à Pompadour (souvent ses montures personnelles.) La campagne d'Egypte fournira un nouvel apport de sang arabe. M. Lepiot de Seltot doit accueillir au haras des troupeaux hétéroclites de moutons mérinos et de buffles laineux qui refusent de féconder les vaches limousines, ce pour quoi ils avaient été acquis. Ce n'est pas le cas des bovins roumains ornés de cornes prodigieuses mais dont la robe gris clair indisposait les éleveurs locaux plus accoutumés à la robe rouge de leurs vaches limousines. Enfin en 1809, il fit décider de renvoyer dans leur pays d'origine tous ces hôtes pour le moins curieux.

            M. Lepiot de Seltot fait intercepter à Limoges un étalon arabe : Bagdad, présent des Anglais à l'ambassadeur de Russie.

            En 1809, M. de Boisseuil, ancien écuyer du Roi, prend la direction du Haras Impérial. Administrateur éclairé de l'établissement, il veille jour et nuit à la bonne marche du Haras. Régulièrement, il se lève la nuit avec sa lanterne et visite toutes les écuries.

            Les missions d'achats en Egypte et en Syrie se succèdent. Au cours de l'une d'elles, le Vicomte Desportes achète l'étalon Massoud. La transaction sera difficile et durera 4 jours. Lorsqu'elle est sur le point d'aboutir, le vendeur enfourche son cheval et disparaît dans le désert. Enfin, au 4ème jour, la transaction s'opère mais le vicomte doit rajouter en plus la valeur d'un pantalon turc.

            Massoud fera souche à Tarbes, au Pin et à Pompadour. Tout au long de ses missions, le vicomte Desportes se plaint des innombrables pots de vin qu'il doit verser à ses interlocuteurs.

            C'est le baron de Bonneval qui prend la direction du haras en 1816. En poste à Pau, il réalise les premiers croisements, préludes de la race anglo-arabe. Il pratique l'alternance avec l'apport successif de sang arabe et de sang anglais. Pour lui, dans l'élevage, le père donne le sang et l'énergie, la mère, la puissance et le gros. Ce principe s'applique surtout en Limousin où le climat et la nature du sol portent à l'énergie et non à la puissance. Le passage à Pompadour de M. de Bonneval lui permet de débuter la réorganisation de la Jumenterie Nationale.

La sellerie d'honneur. Au premier plan, selle d'apparat offerte par le roi du Maroc.
 

     En 1818, le Comte des Fargues est à la tête de l'établissement. Il entreprend d'importants travaux. Avec lui, les terrasses du château trouvent leur aspect actuel, débarrassées des masures qui les encombrent. Avec l'aide du baron Finot, préfet de la Corrèze, il rend la route de Pompadour à Lubersac praticable aux voitures hippomobiles. Pour cela, il va  utiliser les pierres provenant des décombres du château défiguré par la pioche des révolutionnaires.

            Le 30 janvier 1834, un violent incendie ravage le château. Le directeur M. de Bony, convaincu d'absence illégale, est révoqué mais il sera nommé quelques mois plus tard inspecteur honoraire.

            Le régisseur, M. Antonin de Lespinats, devient directeur. Avec M. de Lespinats, l'anglo-arabe écrira ses premières lettres de noblesse. L'apport de sang arabe est privilégié avec des missions d'achat en Syrie. Pour le sport, la prairie face au château est aménagée en hippodrome. Les premières courses se déroulent en 1837.

            Massoud disparaît en1843 à l'issue d'un ultime saut.

            L'administration de M. de Lespinats fait des envieux. Son comportement de maquignon l'amène à commettre un délit d'initié. Il sera muté au Pin. Il rejoint sa nouvelle affectation à bride abattue, aux guides d'un puissant attelage de chevaux limousins en 47 heures à près de 10km par heure de moyenne.

            Eugène Gayot fera le chemin inverse. Sous son administration du haras de Pompadour, la race anglo-arabe sera définitivement reconnue, race dont on dit qu'il suffit à l'homme de la comprendre pour être moins idiot . L'apport de sang arabe dans la jumenterie est renforcé. M. Gayot dira de Massoud : "Il a la valeur du diamant."

En 1863, Pompadour et son Haras font l'objet de convoitises en particulier celle du général Fleury. Sûr d'obtenir de Napoléon III les terres de Pompadour, ses meubles et bagages étaient déjà en gare de Nexon. Mais l'intervention de Joseph Brunet un enfant de Pompadour (futur sénateur de la Corrèze et ministre de l'instruction publique,)  la donation ne se fit pas.

            Les directeurs successifs auront à gérer diverses péripéties dont la suppression de la Jumenterie en 1861 puis son rétablissement en 1874 après le désastre de Sedan et la perte totale de la cavalerie française.

            Plus près de nous,  M. Pierre Pechdo à la tête du haras de 1968 à 1990 et M. Michel Jussiaux à la tête de l'institut du cheval, sont épaulés par M. Guy Bideault, futur directeur d'Uzès et de St Lô, cavalier de concours et jockey. M. Guy Bideault dirige la section agricole et l'entrainement des jeunes chevaux. Les Haras nationaux auront leurs couleurs sur les champs de courses où ils portent "casaque gros bleu , croix de St André et toque rouges"

            Fidèle aux principes d'Eugène Gayot, M. Pechdo multiplie les apports de sang arabe. Il achète des étalons dans les meilleurs élevages. Ces éléments nés en France mais d'origine tunisienne, renouvellent le sang. L'arrivée de l'étalon Fawzan, don du Président Sadate, amènera beaucoup de distinction.

 

            Enfin, M. Pierre Pechdo, par une sage administration, préserve et valorise le patrimoine. Grâce à de judicieux travaux sur les toitures, le château nous apparaît aujourd'hui dans toute sa beauté.

 

La ronde des directeurs

Bibliographie