Pierre d'Aubusson

 

        En 2003, on commémore le cinquième centenaire de la disparition de Pierre d'Aubusson, grand maître de l'ordre de St Jean de Jérusalem, futur ordre de Malte.

Pierre d'Aubusson

     Pierre d'Aubusson partage avec Geoffroy de Pompadour la même souche maternelle. Leurs mères sont des Comborn, filles de Guichard V de Comborn, héritier des vicomtes Archambaud, et de Louise d'Anduze. Tous les deux hommes d'église, leur destin sera exceptionnel. Geoffroy de Pompadour n'oubliera pas son proche cousin : par l'intermédiaire de son frère Jean, il cède les revenus de certaines de ses terres situées près de Varetz en Corrèze, à l'ordre de St Jean de Jérusalem.

     Pierre d'Aubusson est né en 1423. Dès son plus jeune âge, il est introduit à la cour de Charles VII qui le charge de plusieurs missions avant de séjourner à la cour de l'empereur Sigismond.
      A son retour en France, il décide comme beaucoup de jeunes chevaliers, de rejoindre l'ordre de St Jean de Jérusalem sur l'île de Rhodes. Très vite, il sera le principal conseiller de Jean de Lastic, maître de l'ordre, comme lui grand prieur de la langue d'Auvergne. En 1476 il est élu au magistère suprême à l'unanimité. 

      Pierre d'Aubusson sera le premier à porter le titre de Grand Maître. Il réforme l'ordre, lui donne de nouveaux statuts. Désormais, il s'adressera à l'ensemble des membres et non individuellement en fonction de leur provenance géographique.

     La menace turque se fait de plus en plus précise. Mahomet II lève contre Rhodes une puissante armée. Il place à sa tête Misach Paléologue, transfuge grec qui a épousé la cause musulmane. Pierre d'Aubusson fait adapter les murs de Rhodes à l'artillerie à poudre. Il fait creuser le port de Rhodes afin d'accueillir des navires de fort tonnage. L'attaque de plusieurs jours est terrible, entraînant la perte de milliers de personnes dans les deux camps. Malgré les fourberies et les espions, Pierre d'Aubusson, au prix de cinq blessures, avec l'aide de ses chevaliers et à force de courage, repousse les Turcs. L'assaillant se retire, laissant l'île de Rhodes en ruines, couverte de cadavres, mais libre.
     Lors de sa retraite, la flotte musulmane se heurte à des galères venues au secours de l'ordre. Misach Paléologue meurt au cours de cet engagement. Mahomet II vit très mal cet échec et il décide de lever une nouvelle armée dont il prendra le commandement pour réduire les chevaliers. Mais il meurt subitement peu de temps après son départ. 

Le siège de Rhodes

        Un conflit éclate entre ses deux fils, Bajazet II et Zizim, qui se disputent le droit d'aînesse. Zizim se met sous la protection des chevaliers sur l'île de Rhodes. Pour sa sécurité, Pierre d'Aubusson le place en France à Bourganeuf en Creuse, où il demeurera quelques années.

La tour Zizim à Bourganeuf
La tour Zizim à Bourganeuf 

     Encore aujourd'hui, on peut voir la tour qui lui servit de refuge, et peut être, pour que vive la légende, put-il admirer la célèbre tapisserie de la Dame à la Licorne réalisée pour adoucir sa captivité. Innocent VIII élève le Grand Maître au rang de cardinal. Il sera d'ailleurs le seul à travers toute l'histoire de l'ordre, à obtenir la livrée cardinalice. Pour le récompenser, Innocent VIII transfère les biens de l'ordre du Saint Sépulcre récemment dissout, aux chevaliers de Rhodes.

       Le pape insiste pour que Zizim soit transféré à Rome. Malgré quelques réticences, Pierre d'Aubusson accède à cette demande. Hélas, l'accession d'Alexandre VI, le premier Borgia, au trône de St Pierre, fut fatale au prince ottoman qui succomba, sans doute victime du poison, dès qu'il fut remis au roi de France Charles VIII.
      Très imprégné par sa foi, Pierre d'Aubusson souhaite une nouvelle croisade qu'il accepte de commander pour reconquérir Constantinople. Elle serait financée par l'ordre qui assurerait le transport des croisés par delà la Méditerranée. Alors qu'il pensait avoir convaincu les royaumes européens, des querelles d'intérêt surviennent et le projet est abandonné. Très affecté, le Grand Maître s'isole à Rhodes et meurt peu de temps après, le 13 juillet 1503.
     Tout au long de son magistère, Pierre d'Aubusson avait souhaité capturer le plus grand bateau de commerce de la flotte musulmane, pourtant reconnue neutre, par décret du sénat vénitien, dans les différents conflits qui se succèdent dans la région. Quelques années après la mort du Grand Maître, un autre limousin, le chevalier Jacques de Gastinau, Commandeur du Limousin, prieur en Aquitaine, va réaliser ce souhait.
Le Grand Maître Aimery d'Ambroise s'estime libéré de tout engagement  par les attaques publiques de la flotte turque malgré les trêves existantes. Il accède à la proposition du Commandeur de Gastinau. Celui-ci forme assitôt un équipage déterminé, composé de marins français issus de toutes les provinces de l'Ordre, mais à majorité limousine."C'est d'abord entre compatriotes que s'agissait faire le coup et gaigner ensemble honour et proufict"

     "La Reine des Mers"embarque 1 200 hommes d'équipage encadrés par 1 000 soldats chargés de la défense. Ce quatre mâts doté de sept ponts défendus par 120 canons est entièrement construit en bois de chêne, de cèdre et de teck, chevillé de cuivre. Aussi fin marin que bon stratège, de Gastinau s'approche du grand bâtiment profitant d'un office religieux sur le pont de son bâtiment qu'il laisse dériver.Il rejoint ensuite ses compagons limousins dotés comme lui d'un solide appétit et d'une gaillarde  humeur pour déguster un grand bol de vin de Chypre cuit avec des épices.
 Malgré l'approche de la grande caraque, le Commandeur fait réciter une courte prière aux chevaliers et demande au chapelain du navire, interloqué, de donner l'absolution. Après quelques palabres, le chapelain accepte d'outrepasser ses droits. Le bâtiment des chevaliers est parvenu à proximité de La Reine des Mers qui poursuit sa route sans prêter attention au navire de l'Ordre.Celui-ci manoeuvre au plus près et coupe la route du grand  bâtiment l'obligeant à ralentir. Le Commandeur délègue deux ambassades succesives auprès du capitaine de la Caraque, surtout pour atténuer sa vigilence. Lors du deuxième rendez vous, celui-ci est stupéfait d'entendre de Gastinau lui demander de se rendre. Bien entendu, il refuse et couvre les chevaliers de sarcasmes et d'injures.
     Etant au plus près du gigantesque  bateau sous les lignes de ses canons, les chevaliers débutent une canonade, tuant net  le capitaine turc. Profitant de la surprise et de la confusion les chevaliers lancent les grappins d'abordage, paniqués, les marins égyptiens préfèrent se rendre plutôt que d'être taillés en pièces, et, sous bonne garde, amènent leur bâtiment et sa très riche cargaison dans le port de Rhodes.

Prise de la grande Caraque
Prise de la grande Caraque 

     Plus de vingt ans après la disparition de Pierre d'Aubusson, le Grand Maître Villiers de l'Isle Adam, trahi par un de ses lieutenants, doit céder devant Soliman et les Hospitaliers de l'ordre de St Jean quittent définitivement Rhodes pour une longue errance. Charles Quint, contre la redevance annuelle d'un faucon, offre l'île de Malte aux chevaliers.

Monnaie frappée aux armes de Pierre d'Aubusson
Monnaie frappée aux armes de Pierre d'Aubusson après son élévation à la pourpre 

Ecu de la famille d'Aubusson

     Depuis, et encore aujourd'hui, on parle de l'ordre de Malte qui conserve sa souveraineté cinq siècles après la mort de Pierre d'Aubusson. En 1961 Jean XXIII approuve la  nouvelle chartre de l'ordre qui confirme son indépendance vis à vis des états et de l'Eglise. Les marques les plus visibles de l'ordre sont les croix bleues à quatre branches qui figurent sur certaines ambulances. Elles sont la survivance de l'emblème des Hospitaliers de St Jean qui assurèrent aux croisés et aux pèlerins de Terre Sainte une assistance médicale et sanitaire sérieuse dès le onzième siècle. Aujourd'hui, l'ordre de Malte est une organisation caritative à vocation médicale présente sur les cinq continents.

        
   Bibliographie :

Pierre d'Aubusson grand maître de Rhodes - Père Bouhours (Société de St Augustin) - première édition 1676
Chevaliers du Christ, les ordres religieux militaires au moyen âge.- Alain Demurger (Seuil) 2002
Histoire de l'ordre de Malte - René Borricand - (édition Borricand) 1981
Ordre souverain de St Jean de Jérusalem de Rhodes et de Malte - Bailli Michel de Pierredon- (Atlantica) 1999
Chevaliers de Malte -Abbé Vertot -(Mame et Cie) 1842
Nobiliaire Universel de France -Nicolas Viton de St Allais - 1875 (document BNF)
Les Chevaliers de Malte, des hommes de fer et de foi - Bertrand Gallimard Flavigny -(découverte Gallimard)
Les Chevaliers de Malte chroniques et récits - P A Farochon (Alfred Mame)  1893

Voir aussi bibliographie générale